91 - Le masque
C'est parce qu'il exerce une fascination vénéneuse, avec son sourire diabolique, malicieux, féminin, avec sa chevelure luxurieuse, maléfique, empoisonnée, avec son air infiniment malin, qu'on ne peut s'empêcher de fixer ce masque.
Comme par défi.
Cette face ensorcelée effraie et attire en même temps. L'on voudrait détourner les yeux de cette méchante vipère. L'on aimerait éviter ce regard superbement venimeux. Mais c'est plus fort que soi : on ne peut s'empêcher de fixer cette espèce de lune contagieuse.
Et on la fixe avec haine.
C'est une veilleuse méchante. Blonde et cynique. Belle et cruelle. Laide et érotique. Une charmeuse qui sème le malaise partout où elle passe. Elle intrigue les plus indifférents. Mais surtout elle tourmente les imaginations les plus sensibles : cette ricaneuse est éloquente. Trop peut-être. Et l'on se prend à s'interroger sur ce qui la fait si soigneusement, si sérieusement ricaner...
Il n'est pas très agréable de soutenir ce regard venu d'on ne sait quelles ténèbres, et pourtant on le soutient. On déteste ces yeux d'infernale femelle, et on les trouve magnifiques cependant.
Cette séductrice a décidément le charme malveillant des criminelles amantes.
92- L'art poétique chez les amateurs
Non l'amateur n'est pas (selon moi) celui qui aime, mais celui qui est médiocre, celui qui ne connaît que partiellement et superficiellement les choses. La distinction entre poètes amateurs et grands poètes classiques est fort simple : le poète amateur n'est pas et ne sera jamais édité. Ou alors chez la "Pensée Universelle". Tandis que le poète classique trône glorieusement à la "Pléiade". Conclusion logique et nécessaire : l'auteur non édité est donc vain. L'auteur qui a réussi à prendre place dans la "Pléiade" est quant à lui un excellent auteur. Hypocrisie, cynisme ? Certes pas. Simple lucidité.
D'ailleurs tous ces amateurs ne rêvent-ils pas de se faire éditer ? C'est bien la preuve que le succès de librairie et l'argent sont reconnus comme les signes de la réussite littéraire. Nous sommes ici dans une logique capitaliste : le succès passe d'abord et avant tout par l'argent. Regardez Proust par exemple : il ne cessait d'envoyer ses manuscrits à des éditeurs, sans cesse refusés au début. Tous ces auteurs, aussi noble soit leur message, aussi grande soit leur plume, n'ont finalement qu'une idée en tête : se faire éditer pour vendre. La vente de l'oeuvre, c'est la reconnaissance officielle, c'est le but final recherché, par-delà le discours de l'oeuvre en elle-même. C'est cela qui légitime une oeuvre littéraire : l'édition, la vente. Conclusion : je ne crois en la valeur d'un texte que lorsqu'il est édité chez les grands éditeurs.
93- A ceux qui ont tendance à trop encenser les Grecs
Diogène ne devait pas sentir très bon. Et puis surtout il n'a pas inventé le langage binaire que je sache...
Tous ces Grecs antiques dignement "entogés" et sempiternellement engoncés dans leurs pensées d'airain tiennent leur prestige du fait qu'ils ont vécu dans une Grèce mythique et surtout qu'ils sont tout bêtement morts, "panthéonisés", statufiés par les siècles et les ouvrages scolaires. Qui vous dit que l'inventeur du langage binaire ne sera pas demain "l'entogé" du vingtième siècle ? Grâce au langage binaire, qui vous dit qu'une nouvelle pensée estimable et illustre ne va pas naître ? Et si nous accédions à la Vérité grâce au langage binaire ? Pourquoi la pensée informatique ne serait-elle pas un instrument crucial permettant de toucher au fond du Mystère ? On dit que la vérité suprême ressort des mathématiques.
Soyez un peu moins impressionnés pas ces philosophes grecs qui ont déjà le grand tort, au moins à mes yeux, d'être morts, ensevelis, le bec définitivement cloué. On peut vivre sans problème majeur en ignorant tout des leçons de Diogène. La preuve : je ne l'ai jamais lu.
94 - Du fiel ludique
Sur les listes, je réponds fièrement ceci à mes détracteurs sans gloire :
C'est vrai que je cherche à faire parler de moi à tout prix. En bien ou en mal, peu importe. Je n'existe qu'à travers vous. Pardonnerez-vous ce nombrilisme déplacé, cette insolence gratuite, cette vanité révoltante ? Je suis malheureux, c'est vrai. Je suis un grand frustré. Je ne jouis que dans le regard courroucé des autres parce que sans les autres ma vie est vide. J'ai besoin du regard des autres pour me sentir exister.
Mon existence est si vide, si creuse, si vaine... La vie d'un oisif est loin d'être enviable : il n'y a strictement rien à faire du matin au soir. Et c'est bien connu, l'oisiveté est mère de tous les vices. Je m'adonne donc avec ferveur au vice. Et mon vice actuellement, c'est précisément de jeter le trouble sur les listes.
En fait et pour être sérieux, je teste le degré de résistance mentale de mes contemporains. Je cherche également l'esprit rare apte à la réflexion, l'esprit assez éclairé pour voir en moi autre chose que ce simple trublion. Ceux qui réagissent mal sur cette liste prouvent aux yeux de tous :
- leur manque d'humour (ce qui n'est certes pas un signe d'intelligence)
- leurs limites psychologiques
- leur immaturité mentale
- leur impulsivité stérile
- leur manque de courtoisie intellectuelle
Je crois que c'est ma liberté qui vous révolte : je suis ce que vous n'avez jamais été capables d'être. En effet, je me suis affranchi du prosaïsme, de l'illusion, de la vanité.
95 - La littérature et moi
A propos du "Bateau Ivre", remplacez donc les termes "criards" et "Peaux-Rouges" par n'importe quels autres termes un tant soit peu pittoresques, et vous obtiendrez les mêmes réactions admiratives et béates chez les lecteurs dénués de sens critique. Et les mêmes explications savantes des grands docteurs en littérature. La tête couverte d'un beau chapeau, le coeur léger et la plume lourde, Rimbaud pouvait tout à sa guise semer de glorieuses sornettes au vent de la Littérature : pourvu que son nom soit apposé au bas de ses oeuvres, elles feront toujours l'objet d'études universitaires prétentieuses et stériles. En ce domaine Rimbaud est promis un bel avenir, n'en doutons pas.
Vous voulez en savoir plus sur mes goûts en littérature ? Je suis assez inculte je le reconnais, mais je vais tout de même vous dire ce qui m'agrée et ce qui me désenchante. Mon avis sera assez limité, puisque mes lectures en ce domaine sont également limitées.
Le "Bateau ivre" de Rimbaud m'ennuie profondément. Homère également m'ennuie profondément avec son interminable et soporifique Odyssée... Lamartine, Musset, Vigny, et Nerval parfois, savent toucher mon coeur esthète, comme c'est d'ailleurs le cas pour la plupart de mes contemporains. Rien d'exceptionnel en cela. En tant qu'êtres humains ou simples lecteurs, nous sommes tous sensibles, sans exception. Là encore, rien d'extraordinaire dans le fait d'être touché par quelque auteur de choix. C'est bien pour cette raison que les grands auteurs sont de grands auteurs.
Hugo est à mes yeux un véritable génie qui domine toute la littérature française. Par sa simplicité, sa capacité à atteindre l'universel, il s'impose à moi (et à bien d'autres) comme un modèle. Proust sait m'ennuyer avec fruit. Et c'est un véritable plaisir que de rechercher ce délicieux ennui et de perdre mon temps en si bonne compagnie. Daudet père m'est particulièrement agréable, léger, poétique : il n'est pas prétentieux, comme peut l'être par exemple Sartre. Kafka est divinement fou et sa folie trouve en moi un certain écho. Maupassant est mon péché mignon : je le dévore comme un fruit suave absolument pas défendu. Balzac me pèse beaucoup : c'est un plat de résistance bien gras, bien trop consistant pour mon estomac délicat. Une sorte de boulet à traîner dans mon esprit. Flaubert écrit très bien, il est parfait dans le mode "gueuloir". Baudelaire est diablement talentueux. Enfin un bon poète. Céline m'est parfaitement indigeste, non seulement dans le fond mais surtout dans la forme. Cette écriture haletante, hachée, m'est absolument insupportable. C'est du hachis Parmentier pour moi, un compost de mots et de ponctuations, de la véritable bouillie littéraire. Shakespeare est le roi dans son domaine, épique et pittoresque : c'est le prince du théâtre. Molière m'amuse, mais je n'en fais pas un César pour autant. Camus est anecdotique : un fétu de paille, presque une fumée dans la tempête de la littérature. J'ai dû en oublier quelques-uns.
Tous ces avis ne sont bien entendu que des avis personnels.
96 - Les enfants : l'ignominie incarnée
Rappelons-nous qu'un enfant endormi est un spectacle vil, obscène, dégoûtant. Un enfant, c'est une machine à excrétions, un moulin à vomissures, un robinet à urines, un puits à diarrhées, une source de puanteurs. Les enfants endormis trament dans leurs songes d'infâmes intrigues contre les adultes et leur corps couve quelque répugnante bile que ces démons, une fois réveillés, s'empresseront de vous éjecter au visage tel un fiel issu des enfers : vomissures, diarrhées, flatulences, éructations ou autres urines dont je parlais plus haut. Débarrassez-vous de vos enfants avant qu'ils ne prennent le pouvoir et vous rendent l'existence impossible.
97 - La Fanchon restera à la ferme
Fanchon est un personnage imaginaire de mon cru. C'est une jeune fille (tantôt sophistiquée, tantôt fruste selon les aventures et les drames que je lui invente) qui est toujours enceinte, et toujours dans des situations délicates vis-à-vis de sa famille. Fille d'un couple de vieux paysans, elle vit dans la ferme de ses parents où tout est archaïque, décalé, périmé : objets, état d'esprit, idées. Dans l'épisode ci-dessous elle est enceinte et va vite apporter la nouvelle à ses parents. C'est cruel, effarant, saugrenu, caricatural jusqu'à l'ignoble. Cette "triste" situation est récurrente chez elle, mais à chaque fois je traite le sempiternel sujet dans une mise en scène différente. Voici donc une version "standard" de la situation. Ici la Fanchon est cultivée, lettrée, délicate, raffinée, alors que ses parents sont grossiers et vulgaires (ils le sont d'ailleurs toujours dans ces histoires).
- Père, Mère, voyez mes flancs sacrés, ils couvent le fruit inestimable d'un pur amour. Oui, mes chers parents, sachez donc aujourd'hui que votre fille bien-aimée prolonge la vie, de par la grâce d'un suprême et magnifique élan de tendresse échangé avec l'élégant Monsieur le Vicomte de la Marotière, fils du châtelain de la ville voisine, dont vous n'ignorez pas, j'en suis sûre, l'excellente renommée quant à la vigne...
(Le père)
- Ta gueule, putassière de vache à merde ! Où que t'as été encore te foutre la matrice, hé vachalait de mes deux !
- Père, je vous en prie, n'offensez point mes chastes oreilles avec vos propos abominables !
(La mère)
- Vi, vi, vi, sale putassière ! Tu nous dis de la fermer, pendant que t'as les boyaux remplis d'grossesse, et pis qui c'est qui va torcher le cul merdeux de ton calemiasse après, hein ?
- Mère, je n'entends rien à vos paroles éhontées. Changez votre langage, de grâce, chacun de vos mots m'est une insulte à titre personnel, et une offense pour toutes les mères du monde qui...
(La mère)
- Ferme-là bourriquesse ! Y a le fils du riche emplumé qui vient t'engrossir la matrice, et pis après tu viens nous chialer sur les couilles que t'es dans le purin ! Putain ! T'avais qu'a pas te foutre la tripe du nobliau dans le cul ! Merdasse de crotassière de pute à purin de merde ! Tu m'entends, dis ?
- Mère, détrompez-vous. Je ne viens nullement me plaindre auprès de vous, ainsi que vous semblez me le reprocher avec cette verve impure qui vous est si coutumière... Au contraire, je suis venue louer le divin amour humain qui génère la vie et...
(La mère)
- Ta ta ta ta ! T'es en train de nous embrouiller, pouffiassière de cul à merde ! Moué j'y voué la putain qui ramène son boyau rempli à la ferme pour qu'y s'fasse une place dans l'étab'à vache, ouais ! Pas vrai l'père ?
(Le père)
- Couillonnasse, bien sûr que j'y voué la mêm'chos' qu'toué, la mère ! Not'fille, c'est une grosse puttassière de première qui s'est fait bien bourrer le boyau du cul pour qu'elle nous ponde dans quê'qu' mois un affreux bougnoule d'bicot d'brin d'merdeux qu'arrêtera pas d'bouffer la ferme à quémander toutes les nuits du lait, et pis pt'êt aussi avec d'la gnôle ! Hein, la Fanchon, t'avais l'intention d'foutre ma gnôle dans l'biberon de ton miochard ?
- Père, je n'ai que faire de vos infâmes liqueurs d'ivrogne ! Je ne demande rien de tout cela, vils géniteurs ! Je ne désire qu'un peu de reconnaissance pour l'amour qui se meut en mon sein, rien de plus.
(La mère)
- Pétasserie d'ânesse de trivache à la con ! J'va te clouer ton clapet à jacasseries, et pis j'vas te foutre du fumier dans le fond d'ton cul, comme ça ta larve elle sortira au moins pas pour rien, pisque l'odeur d'la fumure lui donnera le goût de la terre et de la trime paysanne, et pis on pourra vite le mettre aux champs, bon sang ! Aller, l'père, viens m'aider à foutre la Fanchon dans l'fumier, on va la bourrer avec par tous les trous pour être bien sûr qu'après ça elle nous chiera un vrai péquenaud, et pas un fainéant d'nobliau qu'y pense qu'à sauter des sales fumelles en rut !
- Père, Mère, soyez dignes je vous en conjure, je...
CE QU'IL ADVINT DE LA PAUVRE FANCHON.
La fanchon elle a pas eu d'chance. Dix ans ont passé. A présent on peut la voir trimer comme une dingue aux champs, les pieds dans la fange, le front baissé jusque dans la poussière terrible des chemins tout autour de sa ferme natale, quelque part dans un coin reculé de la France. Le petit Alphonse-Gaspard-Théodule (ce sont ses grands-parents qui l'ont ainsi nommé) quant à lui, c'est une loque, un être fruste, attardé mental, analphabète, plus sauvage qu'humain. Pitoyable depuis les cheveux jusqu'aux pieds, en passant par le fond des yeux. La ferme, les grands-parents, l'éducation lamentable l'ont cassé, brisé à jamais, éteint tout à fait. Pauvre Fanchon. Et dire qu'un jour de plus de liberté, et elle était à New York, dans un appartement sur la cinquième Avenue, avec un contrat de mannequinat international en poche et tous les grands couturiers du monde qui la suppliaient de travailler pour eux... Maintenant c'est une loqueteuse qui trime aux champs de quatre heures du matin en hiver jusqu'à la minuit, et de trois heures du matin en été jusque minuit passé, sans dimanche ni repos ni salaire ni même de nourriture correcte. Elle se régale d'épluchure de pomme de terre et de pelures de pommes, agrémentées de quelques coups dans la figure de la part des deux rustres, juste pour pas qu'elle "traînasse" trop à ronger ses épluchures, alors qu'il y a tant de travaux à la ferme.
98 - Lettre envoyée aux PDG de radios généralistes (RMC, RTL, Europe 1)
Monsieur,
Croyez-vous, Monsieur, faire honneur à l’esprit, au bon goût, à la civilisation, en faisant diffuser, outre des émissions bas de gamme, de la réclame de la plus grande vulgarité ?
Réclame pour véhicule, réclame pour cosmétique, réclame pour chaîne de grands magasins… Vulgarité, obscénité, indignité. Inaudible, en ce qui me concerne. Il faut dire que je ne me prends pas pour un veau, Monsieur. Vous qui en êtes peut-être un, vous prenez sans doute les gens qui écoutent votre radio pour un troupeau de bovins, et pourquoi pas de porcins... J’ai le courage de dire, Monsieur, que si vous n’êtes pas personnellement convaincu de la valeur de cette radio, alors vous êtes un dévoyé, un proxénète de la culture qui vend aux autres ce qu'il ne consomme pas lui-même. Mais si vous êtes sincèrement convaincu d'être le PDG d'une bonne radio, alors permettez-moi de vous dire que vous n’êtes qu’un veau de plus. Un veau à la tête d’une radio nationale sans doute, mais un pauvre et minable veau pas plus digne que le restant du troupeau.
Il faut être un veau Monsieur, pour écouter sans broncher le contenu des émissions de cette radio généraliste. Le pire, c’est la réclame. Pour être convaincu par ces boniments bien vulgaires, bien obscènes, bien populaires, bien outranciers, il faut faire partie de la RACAILLE. Qu’est-ce que la racaille ? Le peuple, tout simplement. Et qu’est-ce que le peuple ? Ca n’est rien du tout, ou si peu. Je suis très méprisant, hautain, impitoyable lorsque je songe que des êtres humains, mes semblables, peuvent adhérer à tant de bassesse. Je n’ai nulle indulgence pour ce peuple français qui tourne un bouton pour se vautrer dans l’ineptie.
La misère de l’esprit pourrait en cette fin de siècle être toute résumée à travers les radios généralistes. Le ton, le contenu, la forme et le fond, les aspirations et les racines, tout transpire l’aspect minable, misérable, insignifiant et vulgaire des esprits impliqués : animateurs, journalistes, annonceurs et auditeurs.
Je m’interroge aujourd’hui sur les fondements, les valeurs et les certitudes humaines et sociales. En fait on peut fort bien être à la tête d’une radio nationale, être reconnu par l’ensemble de la population, inviter des personnalités politiques, et n’être rien du tout. N’en êtes-vous point la première preuve vivante, et votre radio n’en est-elle pas, elle, l'autre preuve beuglante ? Vous n’avez pas mon estime, Monsieur. Et à moins que vous ne soyez définitivement un veau vous aussi, je sais bien qu’au fond, s’il vous reste une once d’intelligence, de dignité, d’esprit critique, vous me donnez raison.
Espoir ultime du triomphe de l’esprit sur la bêtise radiophonique.
99 - Seconde lettre envoyée aux PDG de radios généralistes
Monsieur,
Vous êtes à la tête d’une entreprise bien vile, et vous êtes méprisable. La vocation populaire, généraliste de votre radio est l’aveu secret de la réussite du label «mauvaise qualité». Les couleurs de la médiocrité sont portées très haut. Chez le peuple de veaux qui tend quotidiennement l’oreille vers votre station, l’ineptie a acquis ses lettres de noblesse. Et sur une mer de vaguelettes un vent modéré mais certain vous pousse vers votre île rêvée, qui est également le rêve commun des auditeurs avides de «trucs géniaux», de «salut, comment ça va ?», de «gens sympas» de «chouettes musiques», et autres pollutions verbeuses de la même espèce.
Vous êtes à la tête d’une entreprise d’aliénation des foules. Vous vous faites le complice d’un terrorisme culturel, insidieux et criminellement sucré. Comme une coupe de poison à effet progressif, une coupe bordée de miel. Sous les apparences de la légèreté, de la «bonne humeur», véritable argument-arme qui vous assure l’adhésion du gros des troupes populaires, vous blessez le bon goût, vous détruisez les véritables richesses de l’esprit, vous tuez l’élégance. A travers les ondes vous semez au vent de la mode, dans l’air du temps, tout autour de vous et à des centaines de kilomètres à la ronde des germes qui provoquent la dégénérescence des esprits, comme le ferait une méchante radio-activité sur des cellules exposées. L’activité de votre radio est hautement dangereuse, Monsieur.
Publicités au ton outrancier, de la pire vulgarité, politique de la moyenne, émissions bas de gamme (je veux dire populaires, ce qui revient au même), apologie de la «bonne humeur» bêtifiante, abrutissement sur tous les registres, promotion des arts mineurs, du cinéma commercial : derrière l’étendard sanctifié de la liberté d’expression tout est fait pour générer une implacable régression intellectuelle. Ce qui forme une agression mentale, un attentat psychologique permanents, le tout dilués dans la médiocrité culturelle générale déjà présente chez le peuple français qui somnole. Et tout passe, les veaux boivent le lait distillé par les ondes et beuglent avec les animateurs.
Cet odieux conditionnement quotidien des masses, ce nivellement des esprits vers le bas n’honorent pas vos fonctions, Monsieur. Je sais bien, votre station n’a pas pour vocation d’apporter la culture. Et c’est bien là qu’est le noeud de l’affaire. Sous prétexte de faire dans le divertissement, dans le généraliste, vous faites dans la basse culture, dans l’intellectualisme au rabais, dans la sensibilité la plus moyenne -qui est la plus grossière-, dans la pensée populaire (standardisée selon les critères du monde du show-business, généralement).
Bref, vous faites dans la nullité totale. Et le malheur, c’est qu’avec la dragée dorée de la référence aux valeurs ambiantes, vous avez l’assentiment de ceux qui vous écoutent, incapables de juger, de critiquer : ils sont à vous, ils ont même leur carte de fidélité greffée sur leurs neurones avachis. Ils engrangent scrupuleusement l’ineptie débitée et achètent la babiole proposée, que cette dernière soit une grosse voiture ou bien le contenu d'une gamelle pour chiens. La vulgarité triomphe sous votre règne, le verbiage étant la loi de votre maison.
Je vous suppose assez intelligent, assez cultivé, Monsieur, pour ne pas adhérer à l’esprit de cette radio qui déblatère sous votre insigne autorité. Pour être directeur d’une si importante maison (sur le plan des responsabilités humaines et économiques), il faut être largement au-dessus d’une certaine culture de masse. Ici vous êtes le serviteur de votre porte-monnaie et de la cause commune, c’est votre métier. Sur ce plan uniquement tout est louable, honorable. J’ose simplement espérer que vous n’êtes pas intimement convaincu par la grotesque orientation de votre station de radio, même si vous n’avez par ailleurs nul scrupule pour en être le cerveau. Ce que je vous reproche, c’est de contribuer à répandre la peste culturelle, au nom de votre réussite sociale.
A moins que vous ne soyez pas plus apte à la pensée que les auditeurs dociles et peu exigeants de cette radio que vous dirigez, je vous propose de répondre objectivement à mon courrier. L’univers du baratin et du superficiel ne parvient pas, Monsieur, à me contaminer. Aussi je vous serais reconnaissant, si vous en avez l’honnêteté, de me tenir un discours à l’opposé de l’éloquence radiophonique ordinaire, sotte, vaine, niaise.
Je méprise profondément la bassesse de votre fonction, et me félicite de ne point ressembler au peuple de bovins qui tète à votre antenne. Je vous dis que vous avez mon mépris. Rendez-le-moi bien, je vous en prie.
100 - Aux plus sots de mes lecteurs qui se reconnaîtront
Constatez donc ma détresse : je tente d'éduquer mes semblables, de leur ouvrir les yeux sur la véritable culture, mais ces hérétiques fomentent contre moi quelque traître projet de diffamation ! On m'a prêté d'indignes propos, d'odieux discours que jamais -vous en êtes tous témoins- je n'ai tenu. Pas une fois on a pu trouver sous ma plume honorable des termes offensants tels que ceux employés par certains de ces chers détracteurs. Ces infamies que l'on me prête à tort n'ont été proférées que par ceux qui ont mal interprété ma pensée jusqu'à en détruire parfois totalement le sens. Mettez au service de la belle cause vos raison et sensibilité moyennes que je sais honnêtes, aimables, et persuasives...
Dites-leur, à ces mécréants, qu'ils sont des ânes et que je suis leur bon pasteur au bâton. Et qu'ils n'ont pas autant d'humour qu'ils le prétendent, ni de jugement, ni même d'amour envers ceux qui ne leur ressemblent pas. Dites-leur que leur comportement procède du racisme. Et qu'ensemble ils sont les victimes d'un phénomène psychologique bien connu appelé "comportement des foules". Mais dites-leur surtout qu'ils sont aveugles, et qu'ils font partie, même s'ils s'en défendent, de la masse que l'on manipule aisément, tant sur les plans culturel et politique, que psychologique et économique. Dites-leur à ma place vous les sots, puisqu'ils sont de ceux qui n'admettent de vérités, ou de mensonges, uniquement lorsque ceux-ci émanent d'une bouche faisant autorité.
Si un journaliste qu'ils aiment leur dit une ânerie, ils la prendront pour vérité sacrée parce qu'ils se seront enracinés psychologiquement, effectivement, voire affectivement, dans leur conviction. Et celle-ci deviendra alors inébranlable. Mais si moi je leur dis : vous êtes des esprits dénués de sens critique, et vous n'avez pas d'opinions personnelles, alors ils crieront au fascisme. Mais comme je pense que vous avez une bonne influence sur eux, prenez donc la parole à ma place et dites-leur qu'ils sont des ânes. Vous, ils vous croiront.
C'est parce qu'il exerce une fascination vénéneuse, avec son sourire diabolique, malicieux, féminin, avec sa chevelure luxurieuse, maléfique, empoisonnée, avec son air infiniment malin, qu'on ne peut s'empêcher de fixer ce masque.
Comme par défi.
Cette face ensorcelée effraie et attire en même temps. L'on voudrait détourner les yeux de cette méchante vipère. L'on aimerait éviter ce regard superbement venimeux. Mais c'est plus fort que soi : on ne peut s'empêcher de fixer cette espèce de lune contagieuse.
Et on la fixe avec haine.
C'est une veilleuse méchante. Blonde et cynique. Belle et cruelle. Laide et érotique. Une charmeuse qui sème le malaise partout où elle passe. Elle intrigue les plus indifférents. Mais surtout elle tourmente les imaginations les plus sensibles : cette ricaneuse est éloquente. Trop peut-être. Et l'on se prend à s'interroger sur ce qui la fait si soigneusement, si sérieusement ricaner...
Il n'est pas très agréable de soutenir ce regard venu d'on ne sait quelles ténèbres, et pourtant on le soutient. On déteste ces yeux d'infernale femelle, et on les trouve magnifiques cependant.
Cette séductrice a décidément le charme malveillant des criminelles amantes.
92- L'art poétique chez les amateurs
Non l'amateur n'est pas (selon moi) celui qui aime, mais celui qui est médiocre, celui qui ne connaît que partiellement et superficiellement les choses. La distinction entre poètes amateurs et grands poètes classiques est fort simple : le poète amateur n'est pas et ne sera jamais édité. Ou alors chez la "Pensée Universelle". Tandis que le poète classique trône glorieusement à la "Pléiade". Conclusion logique et nécessaire : l'auteur non édité est donc vain. L'auteur qui a réussi à prendre place dans la "Pléiade" est quant à lui un excellent auteur. Hypocrisie, cynisme ? Certes pas. Simple lucidité.
D'ailleurs tous ces amateurs ne rêvent-ils pas de se faire éditer ? C'est bien la preuve que le succès de librairie et l'argent sont reconnus comme les signes de la réussite littéraire. Nous sommes ici dans une logique capitaliste : le succès passe d'abord et avant tout par l'argent. Regardez Proust par exemple : il ne cessait d'envoyer ses manuscrits à des éditeurs, sans cesse refusés au début. Tous ces auteurs, aussi noble soit leur message, aussi grande soit leur plume, n'ont finalement qu'une idée en tête : se faire éditer pour vendre. La vente de l'oeuvre, c'est la reconnaissance officielle, c'est le but final recherché, par-delà le discours de l'oeuvre en elle-même. C'est cela qui légitime une oeuvre littéraire : l'édition, la vente. Conclusion : je ne crois en la valeur d'un texte que lorsqu'il est édité chez les grands éditeurs.
93- A ceux qui ont tendance à trop encenser les Grecs
Diogène ne devait pas sentir très bon. Et puis surtout il n'a pas inventé le langage binaire que je sache...
Tous ces Grecs antiques dignement "entogés" et sempiternellement engoncés dans leurs pensées d'airain tiennent leur prestige du fait qu'ils ont vécu dans une Grèce mythique et surtout qu'ils sont tout bêtement morts, "panthéonisés", statufiés par les siècles et les ouvrages scolaires. Qui vous dit que l'inventeur du langage binaire ne sera pas demain "l'entogé" du vingtième siècle ? Grâce au langage binaire, qui vous dit qu'une nouvelle pensée estimable et illustre ne va pas naître ? Et si nous accédions à la Vérité grâce au langage binaire ? Pourquoi la pensée informatique ne serait-elle pas un instrument crucial permettant de toucher au fond du Mystère ? On dit que la vérité suprême ressort des mathématiques.
Soyez un peu moins impressionnés pas ces philosophes grecs qui ont déjà le grand tort, au moins à mes yeux, d'être morts, ensevelis, le bec définitivement cloué. On peut vivre sans problème majeur en ignorant tout des leçons de Diogène. La preuve : je ne l'ai jamais lu.
94 - Du fiel ludique
Sur les listes, je réponds fièrement ceci à mes détracteurs sans gloire :
C'est vrai que je cherche à faire parler de moi à tout prix. En bien ou en mal, peu importe. Je n'existe qu'à travers vous. Pardonnerez-vous ce nombrilisme déplacé, cette insolence gratuite, cette vanité révoltante ? Je suis malheureux, c'est vrai. Je suis un grand frustré. Je ne jouis que dans le regard courroucé des autres parce que sans les autres ma vie est vide. J'ai besoin du regard des autres pour me sentir exister.
Mon existence est si vide, si creuse, si vaine... La vie d'un oisif est loin d'être enviable : il n'y a strictement rien à faire du matin au soir. Et c'est bien connu, l'oisiveté est mère de tous les vices. Je m'adonne donc avec ferveur au vice. Et mon vice actuellement, c'est précisément de jeter le trouble sur les listes.
En fait et pour être sérieux, je teste le degré de résistance mentale de mes contemporains. Je cherche également l'esprit rare apte à la réflexion, l'esprit assez éclairé pour voir en moi autre chose que ce simple trublion. Ceux qui réagissent mal sur cette liste prouvent aux yeux de tous :
- leur manque d'humour (ce qui n'est certes pas un signe d'intelligence)
- leurs limites psychologiques
- leur immaturité mentale
- leur impulsivité stérile
- leur manque de courtoisie intellectuelle
Je crois que c'est ma liberté qui vous révolte : je suis ce que vous n'avez jamais été capables d'être. En effet, je me suis affranchi du prosaïsme, de l'illusion, de la vanité.
95 - La littérature et moi
A propos du "Bateau Ivre", remplacez donc les termes "criards" et "Peaux-Rouges" par n'importe quels autres termes un tant soit peu pittoresques, et vous obtiendrez les mêmes réactions admiratives et béates chez les lecteurs dénués de sens critique. Et les mêmes explications savantes des grands docteurs en littérature. La tête couverte d'un beau chapeau, le coeur léger et la plume lourde, Rimbaud pouvait tout à sa guise semer de glorieuses sornettes au vent de la Littérature : pourvu que son nom soit apposé au bas de ses oeuvres, elles feront toujours l'objet d'études universitaires prétentieuses et stériles. En ce domaine Rimbaud est promis un bel avenir, n'en doutons pas.
Vous voulez en savoir plus sur mes goûts en littérature ? Je suis assez inculte je le reconnais, mais je vais tout de même vous dire ce qui m'agrée et ce qui me désenchante. Mon avis sera assez limité, puisque mes lectures en ce domaine sont également limitées.
Le "Bateau ivre" de Rimbaud m'ennuie profondément. Homère également m'ennuie profondément avec son interminable et soporifique Odyssée... Lamartine, Musset, Vigny, et Nerval parfois, savent toucher mon coeur esthète, comme c'est d'ailleurs le cas pour la plupart de mes contemporains. Rien d'exceptionnel en cela. En tant qu'êtres humains ou simples lecteurs, nous sommes tous sensibles, sans exception. Là encore, rien d'extraordinaire dans le fait d'être touché par quelque auteur de choix. C'est bien pour cette raison que les grands auteurs sont de grands auteurs.
Hugo est à mes yeux un véritable génie qui domine toute la littérature française. Par sa simplicité, sa capacité à atteindre l'universel, il s'impose à moi (et à bien d'autres) comme un modèle. Proust sait m'ennuyer avec fruit. Et c'est un véritable plaisir que de rechercher ce délicieux ennui et de perdre mon temps en si bonne compagnie. Daudet père m'est particulièrement agréable, léger, poétique : il n'est pas prétentieux, comme peut l'être par exemple Sartre. Kafka est divinement fou et sa folie trouve en moi un certain écho. Maupassant est mon péché mignon : je le dévore comme un fruit suave absolument pas défendu. Balzac me pèse beaucoup : c'est un plat de résistance bien gras, bien trop consistant pour mon estomac délicat. Une sorte de boulet à traîner dans mon esprit. Flaubert écrit très bien, il est parfait dans le mode "gueuloir". Baudelaire est diablement talentueux. Enfin un bon poète. Céline m'est parfaitement indigeste, non seulement dans le fond mais surtout dans la forme. Cette écriture haletante, hachée, m'est absolument insupportable. C'est du hachis Parmentier pour moi, un compost de mots et de ponctuations, de la véritable bouillie littéraire. Shakespeare est le roi dans son domaine, épique et pittoresque : c'est le prince du théâtre. Molière m'amuse, mais je n'en fais pas un César pour autant. Camus est anecdotique : un fétu de paille, presque une fumée dans la tempête de la littérature. J'ai dû en oublier quelques-uns.
Tous ces avis ne sont bien entendu que des avis personnels.
96 - Les enfants : l'ignominie incarnée
Rappelons-nous qu'un enfant endormi est un spectacle vil, obscène, dégoûtant. Un enfant, c'est une machine à excrétions, un moulin à vomissures, un robinet à urines, un puits à diarrhées, une source de puanteurs. Les enfants endormis trament dans leurs songes d'infâmes intrigues contre les adultes et leur corps couve quelque répugnante bile que ces démons, une fois réveillés, s'empresseront de vous éjecter au visage tel un fiel issu des enfers : vomissures, diarrhées, flatulences, éructations ou autres urines dont je parlais plus haut. Débarrassez-vous de vos enfants avant qu'ils ne prennent le pouvoir et vous rendent l'existence impossible.
97 - La Fanchon restera à la ferme
Fanchon est un personnage imaginaire de mon cru. C'est une jeune fille (tantôt sophistiquée, tantôt fruste selon les aventures et les drames que je lui invente) qui est toujours enceinte, et toujours dans des situations délicates vis-à-vis de sa famille. Fille d'un couple de vieux paysans, elle vit dans la ferme de ses parents où tout est archaïque, décalé, périmé : objets, état d'esprit, idées. Dans l'épisode ci-dessous elle est enceinte et va vite apporter la nouvelle à ses parents. C'est cruel, effarant, saugrenu, caricatural jusqu'à l'ignoble. Cette "triste" situation est récurrente chez elle, mais à chaque fois je traite le sempiternel sujet dans une mise en scène différente. Voici donc une version "standard" de la situation. Ici la Fanchon est cultivée, lettrée, délicate, raffinée, alors que ses parents sont grossiers et vulgaires (ils le sont d'ailleurs toujours dans ces histoires).
- Père, Mère, voyez mes flancs sacrés, ils couvent le fruit inestimable d'un pur amour. Oui, mes chers parents, sachez donc aujourd'hui que votre fille bien-aimée prolonge la vie, de par la grâce d'un suprême et magnifique élan de tendresse échangé avec l'élégant Monsieur le Vicomte de la Marotière, fils du châtelain de la ville voisine, dont vous n'ignorez pas, j'en suis sûre, l'excellente renommée quant à la vigne...
(Le père)
- Ta gueule, putassière de vache à merde ! Où que t'as été encore te foutre la matrice, hé vachalait de mes deux !
- Père, je vous en prie, n'offensez point mes chastes oreilles avec vos propos abominables !
(La mère)
- Vi, vi, vi, sale putassière ! Tu nous dis de la fermer, pendant que t'as les boyaux remplis d'grossesse, et pis qui c'est qui va torcher le cul merdeux de ton calemiasse après, hein ?
- Mère, je n'entends rien à vos paroles éhontées. Changez votre langage, de grâce, chacun de vos mots m'est une insulte à titre personnel, et une offense pour toutes les mères du monde qui...
(La mère)
- Ferme-là bourriquesse ! Y a le fils du riche emplumé qui vient t'engrossir la matrice, et pis après tu viens nous chialer sur les couilles que t'es dans le purin ! Putain ! T'avais qu'a pas te foutre la tripe du nobliau dans le cul ! Merdasse de crotassière de pute à purin de merde ! Tu m'entends, dis ?
- Mère, détrompez-vous. Je ne viens nullement me plaindre auprès de vous, ainsi que vous semblez me le reprocher avec cette verve impure qui vous est si coutumière... Au contraire, je suis venue louer le divin amour humain qui génère la vie et...
(La mère)
- Ta ta ta ta ! T'es en train de nous embrouiller, pouffiassière de cul à merde ! Moué j'y voué la putain qui ramène son boyau rempli à la ferme pour qu'y s'fasse une place dans l'étab'à vache, ouais ! Pas vrai l'père ?
(Le père)
- Couillonnasse, bien sûr que j'y voué la mêm'chos' qu'toué, la mère ! Not'fille, c'est une grosse puttassière de première qui s'est fait bien bourrer le boyau du cul pour qu'elle nous ponde dans quê'qu' mois un affreux bougnoule d'bicot d'brin d'merdeux qu'arrêtera pas d'bouffer la ferme à quémander toutes les nuits du lait, et pis pt'êt aussi avec d'la gnôle ! Hein, la Fanchon, t'avais l'intention d'foutre ma gnôle dans l'biberon de ton miochard ?
- Père, je n'ai que faire de vos infâmes liqueurs d'ivrogne ! Je ne demande rien de tout cela, vils géniteurs ! Je ne désire qu'un peu de reconnaissance pour l'amour qui se meut en mon sein, rien de plus.
(La mère)
- Pétasserie d'ânesse de trivache à la con ! J'va te clouer ton clapet à jacasseries, et pis j'vas te foutre du fumier dans le fond d'ton cul, comme ça ta larve elle sortira au moins pas pour rien, pisque l'odeur d'la fumure lui donnera le goût de la terre et de la trime paysanne, et pis on pourra vite le mettre aux champs, bon sang ! Aller, l'père, viens m'aider à foutre la Fanchon dans l'fumier, on va la bourrer avec par tous les trous pour être bien sûr qu'après ça elle nous chiera un vrai péquenaud, et pas un fainéant d'nobliau qu'y pense qu'à sauter des sales fumelles en rut !
- Père, Mère, soyez dignes je vous en conjure, je...
CE QU'IL ADVINT DE LA PAUVRE FANCHON.
La fanchon elle a pas eu d'chance. Dix ans ont passé. A présent on peut la voir trimer comme une dingue aux champs, les pieds dans la fange, le front baissé jusque dans la poussière terrible des chemins tout autour de sa ferme natale, quelque part dans un coin reculé de la France. Le petit Alphonse-Gaspard-Théodule (ce sont ses grands-parents qui l'ont ainsi nommé) quant à lui, c'est une loque, un être fruste, attardé mental, analphabète, plus sauvage qu'humain. Pitoyable depuis les cheveux jusqu'aux pieds, en passant par le fond des yeux. La ferme, les grands-parents, l'éducation lamentable l'ont cassé, brisé à jamais, éteint tout à fait. Pauvre Fanchon. Et dire qu'un jour de plus de liberté, et elle était à New York, dans un appartement sur la cinquième Avenue, avec un contrat de mannequinat international en poche et tous les grands couturiers du monde qui la suppliaient de travailler pour eux... Maintenant c'est une loqueteuse qui trime aux champs de quatre heures du matin en hiver jusqu'à la minuit, et de trois heures du matin en été jusque minuit passé, sans dimanche ni repos ni salaire ni même de nourriture correcte. Elle se régale d'épluchure de pomme de terre et de pelures de pommes, agrémentées de quelques coups dans la figure de la part des deux rustres, juste pour pas qu'elle "traînasse" trop à ronger ses épluchures, alors qu'il y a tant de travaux à la ferme.
98 - Lettre envoyée aux PDG de radios généralistes (RMC, RTL, Europe 1)
Monsieur,
Croyez-vous, Monsieur, faire honneur à l’esprit, au bon goût, à la civilisation, en faisant diffuser, outre des émissions bas de gamme, de la réclame de la plus grande vulgarité ?
Réclame pour véhicule, réclame pour cosmétique, réclame pour chaîne de grands magasins… Vulgarité, obscénité, indignité. Inaudible, en ce qui me concerne. Il faut dire que je ne me prends pas pour un veau, Monsieur. Vous qui en êtes peut-être un, vous prenez sans doute les gens qui écoutent votre radio pour un troupeau de bovins, et pourquoi pas de porcins... J’ai le courage de dire, Monsieur, que si vous n’êtes pas personnellement convaincu de la valeur de cette radio, alors vous êtes un dévoyé, un proxénète de la culture qui vend aux autres ce qu'il ne consomme pas lui-même. Mais si vous êtes sincèrement convaincu d'être le PDG d'une bonne radio, alors permettez-moi de vous dire que vous n’êtes qu’un veau de plus. Un veau à la tête d’une radio nationale sans doute, mais un pauvre et minable veau pas plus digne que le restant du troupeau.
Il faut être un veau Monsieur, pour écouter sans broncher le contenu des émissions de cette radio généraliste. Le pire, c’est la réclame. Pour être convaincu par ces boniments bien vulgaires, bien obscènes, bien populaires, bien outranciers, il faut faire partie de la RACAILLE. Qu’est-ce que la racaille ? Le peuple, tout simplement. Et qu’est-ce que le peuple ? Ca n’est rien du tout, ou si peu. Je suis très méprisant, hautain, impitoyable lorsque je songe que des êtres humains, mes semblables, peuvent adhérer à tant de bassesse. Je n’ai nulle indulgence pour ce peuple français qui tourne un bouton pour se vautrer dans l’ineptie.
La misère de l’esprit pourrait en cette fin de siècle être toute résumée à travers les radios généralistes. Le ton, le contenu, la forme et le fond, les aspirations et les racines, tout transpire l’aspect minable, misérable, insignifiant et vulgaire des esprits impliqués : animateurs, journalistes, annonceurs et auditeurs.
Je m’interroge aujourd’hui sur les fondements, les valeurs et les certitudes humaines et sociales. En fait on peut fort bien être à la tête d’une radio nationale, être reconnu par l’ensemble de la population, inviter des personnalités politiques, et n’être rien du tout. N’en êtes-vous point la première preuve vivante, et votre radio n’en est-elle pas, elle, l'autre preuve beuglante ? Vous n’avez pas mon estime, Monsieur. Et à moins que vous ne soyez définitivement un veau vous aussi, je sais bien qu’au fond, s’il vous reste une once d’intelligence, de dignité, d’esprit critique, vous me donnez raison.
Espoir ultime du triomphe de l’esprit sur la bêtise radiophonique.
99 - Seconde lettre envoyée aux PDG de radios généralistes
Monsieur,
Vous êtes à la tête d’une entreprise bien vile, et vous êtes méprisable. La vocation populaire, généraliste de votre radio est l’aveu secret de la réussite du label «mauvaise qualité». Les couleurs de la médiocrité sont portées très haut. Chez le peuple de veaux qui tend quotidiennement l’oreille vers votre station, l’ineptie a acquis ses lettres de noblesse. Et sur une mer de vaguelettes un vent modéré mais certain vous pousse vers votre île rêvée, qui est également le rêve commun des auditeurs avides de «trucs géniaux», de «salut, comment ça va ?», de «gens sympas» de «chouettes musiques», et autres pollutions verbeuses de la même espèce.
Vous êtes à la tête d’une entreprise d’aliénation des foules. Vous vous faites le complice d’un terrorisme culturel, insidieux et criminellement sucré. Comme une coupe de poison à effet progressif, une coupe bordée de miel. Sous les apparences de la légèreté, de la «bonne humeur», véritable argument-arme qui vous assure l’adhésion du gros des troupes populaires, vous blessez le bon goût, vous détruisez les véritables richesses de l’esprit, vous tuez l’élégance. A travers les ondes vous semez au vent de la mode, dans l’air du temps, tout autour de vous et à des centaines de kilomètres à la ronde des germes qui provoquent la dégénérescence des esprits, comme le ferait une méchante radio-activité sur des cellules exposées. L’activité de votre radio est hautement dangereuse, Monsieur.
Publicités au ton outrancier, de la pire vulgarité, politique de la moyenne, émissions bas de gamme (je veux dire populaires, ce qui revient au même), apologie de la «bonne humeur» bêtifiante, abrutissement sur tous les registres, promotion des arts mineurs, du cinéma commercial : derrière l’étendard sanctifié de la liberté d’expression tout est fait pour générer une implacable régression intellectuelle. Ce qui forme une agression mentale, un attentat psychologique permanents, le tout dilués dans la médiocrité culturelle générale déjà présente chez le peuple français qui somnole. Et tout passe, les veaux boivent le lait distillé par les ondes et beuglent avec les animateurs.
Cet odieux conditionnement quotidien des masses, ce nivellement des esprits vers le bas n’honorent pas vos fonctions, Monsieur. Je sais bien, votre station n’a pas pour vocation d’apporter la culture. Et c’est bien là qu’est le noeud de l’affaire. Sous prétexte de faire dans le divertissement, dans le généraliste, vous faites dans la basse culture, dans l’intellectualisme au rabais, dans la sensibilité la plus moyenne -qui est la plus grossière-, dans la pensée populaire (standardisée selon les critères du monde du show-business, généralement).
Bref, vous faites dans la nullité totale. Et le malheur, c’est qu’avec la dragée dorée de la référence aux valeurs ambiantes, vous avez l’assentiment de ceux qui vous écoutent, incapables de juger, de critiquer : ils sont à vous, ils ont même leur carte de fidélité greffée sur leurs neurones avachis. Ils engrangent scrupuleusement l’ineptie débitée et achètent la babiole proposée, que cette dernière soit une grosse voiture ou bien le contenu d'une gamelle pour chiens. La vulgarité triomphe sous votre règne, le verbiage étant la loi de votre maison.
Je vous suppose assez intelligent, assez cultivé, Monsieur, pour ne pas adhérer à l’esprit de cette radio qui déblatère sous votre insigne autorité. Pour être directeur d’une si importante maison (sur le plan des responsabilités humaines et économiques), il faut être largement au-dessus d’une certaine culture de masse. Ici vous êtes le serviteur de votre porte-monnaie et de la cause commune, c’est votre métier. Sur ce plan uniquement tout est louable, honorable. J’ose simplement espérer que vous n’êtes pas intimement convaincu par la grotesque orientation de votre station de radio, même si vous n’avez par ailleurs nul scrupule pour en être le cerveau. Ce que je vous reproche, c’est de contribuer à répandre la peste culturelle, au nom de votre réussite sociale.
A moins que vous ne soyez pas plus apte à la pensée que les auditeurs dociles et peu exigeants de cette radio que vous dirigez, je vous propose de répondre objectivement à mon courrier. L’univers du baratin et du superficiel ne parvient pas, Monsieur, à me contaminer. Aussi je vous serais reconnaissant, si vous en avez l’honnêteté, de me tenir un discours à l’opposé de l’éloquence radiophonique ordinaire, sotte, vaine, niaise.
Je méprise profondément la bassesse de votre fonction, et me félicite de ne point ressembler au peuple de bovins qui tète à votre antenne. Je vous dis que vous avez mon mépris. Rendez-le-moi bien, je vous en prie.
100 - Aux plus sots de mes lecteurs qui se reconnaîtront
Constatez donc ma détresse : je tente d'éduquer mes semblables, de leur ouvrir les yeux sur la véritable culture, mais ces hérétiques fomentent contre moi quelque traître projet de diffamation ! On m'a prêté d'indignes propos, d'odieux discours que jamais -vous en êtes tous témoins- je n'ai tenu. Pas une fois on a pu trouver sous ma plume honorable des termes offensants tels que ceux employés par certains de ces chers détracteurs. Ces infamies que l'on me prête à tort n'ont été proférées que par ceux qui ont mal interprété ma pensée jusqu'à en détruire parfois totalement le sens. Mettez au service de la belle cause vos raison et sensibilité moyennes que je sais honnêtes, aimables, et persuasives...
Dites-leur, à ces mécréants, qu'ils sont des ânes et que je suis leur bon pasteur au bâton. Et qu'ils n'ont pas autant d'humour qu'ils le prétendent, ni de jugement, ni même d'amour envers ceux qui ne leur ressemblent pas. Dites-leur que leur comportement procède du racisme. Et qu'ensemble ils sont les victimes d'un phénomène psychologique bien connu appelé "comportement des foules". Mais dites-leur surtout qu'ils sont aveugles, et qu'ils font partie, même s'ils s'en défendent, de la masse que l'on manipule aisément, tant sur les plans culturel et politique, que psychologique et économique. Dites-leur à ma place vous les sots, puisqu'ils sont de ceux qui n'admettent de vérités, ou de mensonges, uniquement lorsque ceux-ci émanent d'une bouche faisant autorité.
Si un journaliste qu'ils aiment leur dit une ânerie, ils la prendront pour vérité sacrée parce qu'ils se seront enracinés psychologiquement, effectivement, voire affectivement, dans leur conviction. Et celle-ci deviendra alors inébranlable. Mais si moi je leur dis : vous êtes des esprits dénués de sens critique, et vous n'avez pas d'opinions personnelles, alors ils crieront au fascisme. Mais comme je pense que vous avez une bonne influence sur eux, prenez donc la parole à ma place et dites-leur qu'ils sont des ânes. Vous, ils vous croiront.
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